L’ampleur des conséquences socio-économiques et humanitaires dues à la montée des eaux du lac Tanganyika n’est plus à démontrer. D’énormes dégâts humains, matériels et infrastructurels sont à déplorer. Dans son article intitulé : « Comprendre la montée des eaux du Lac Tanganyika & Mitigations des risques », l’expert international en Santé Publique et environnementaliste Dr Ekongo Lofalanga Jean Rémy, livre son analyse sur les causes des récentes inondations le long du littoral du lac. Il suggère aux autorités des quatre pays riverains de préparer une riposte musclée pour atténuer les effets sur les populations.

Dr Ekongo Lofalanga est un expert international en santé publique, en socio- anthropologie de la santé et en ONE HEALTH.

 

Le lac Tanganyika est bordé par quatre pays, en l’occurrence la République Démocratique du Congo, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie. C’est le deuxième plus grand lac du continent africain après le lac Victoria, avec une superficie de 32 900 km2 et une profondeur maximale de 1,4 km.

Sur le plan halieutique, le lac Tanganyika abrite au moins 1 500 espèces de poissons et crustacés dont environ 600 espèces endémiques. Des millions de personnes dépendent du lac pour le transport, la sécurité alimentaire et la subsistance. C’est un élément essentiel du couloir de transport et du commerce entre l’Afrique Centrale et Orientale. Quatre grands ports, à savoir :  le port de Kalemie en RDC, celui de Kigoma en Tanzanie, celui de Bujumbura au Burundi et celui de Mpulungu en Zambie contribuent au désenclavement de la sous-région. Le flux des marchandises transite via ces infrastructures portuaires. Ce qui facilite les échanges commerciaux entre les quatre pays.

Le Tanganyika avec son seul exutoire  

En 1878, un phénomène tectonique et géologique provoqua l’effondrement d’une portion de la rive du lac Tanganyika au niveau actuel de la ville de Kalemie dans la province éponyme du lac. Ce qui donna naissance à la rivière Lukuga qui charrient une partie des eaux du lac pour se jeter dans la Lualaba, partie supérieure du majestueux fleuve Congo qui débouche sur l’océan Atlantique. Sinon, auparavant, le lac était endoréique, c’est-à-dire fermé et avait toujours un niveau d’eau stagnante.

Les recherches scientifiques révèlent que le lac Tanganyika occupait un grand espace. Ainsi, toute la région  de la plaine de l’Imbo qui va de Nyanza-Lac (frontière avec la Tanzanie) en passant par Bujumbura jusqu’à la localité de Rugombo (frontière avec Rwanda par le poste frontalier de Ruhwa) et qui se prolonge en RDC par la plaine de la Ruzizi était dans les eaux du lac. Cet espace a été libéré suite au vidange des eaux du lac Tanganyika via son seul exutoire naturel créé en 1878 consécutif aux phénomènes tectoniques et géologiques.

Quid du fonctionnement de l’exutoire ? 

Jusqu’à présent, la rivière Lukuga joue un rôle capital dans l’évacuation de 6-18 % des eaux du lac Tanganyika. Pratiquement, elle évacue les eaux des deux bassins versants de la région médiane des Grands Lacs africains : le bassin versant du lac Tanganyika et celui du lac Kivu via la rivière Ruzizi.  Le bassin versant du lac Kivu creuse et serpente dans la partie de la chaîne de montagne Mitumba qui se trouve à la frontière entre la province du Sud-Kivu en RDC et le Rwanda pour aller se jeter à son embouchure au Nord du lac Tanganyika entre les villes de Bujumbura (Burundi) et d’Uvira (RDC).

Les écoulements de la Lukuga représentent entre 6 et 18% des pertes du lac, le reste étant dû à l’évaporation de la grande surface du lac. Les écoulements de la Lukuga dépendent des niveaux d’eau du Lac : plus le niveau d’eau du lac est élevé et plus importants sont les écoulements de la Lukuga. Lorsque le niveau d’eau du lac avoisine le niveau de l’exutoire de la Lukuga, les écoulements deviennent très minimes et s’arrêtent lorsque le niveau d’eau dans le lac est en dessous du seuil de la Lukuga…

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